« Du Doppelgänger ! Du, bleicher Geselle ! », « O toi mon double, mon pâle compagnon », se lamente, sur des paroles du poète Heinrich Heine (1797-1856), le compositeur Franz Schubert (1797-1828), dans un ultime lied datant de l’année de sa mort. L’écrivain allemand Jean Paul (1763-1825), le Hoffmann des Elixirs du diable (1815) ainsi que les frères Grimm l’avaient écrit avant lui : voir son double, c’est voir sa fin. L’apparition du Doppelgänger annonce que les jeux sont faits. De même qu’ils étaient faits, et les joueurs bien refaits, en avril 1945, dans un Berlin méticuleusement pilonné par l’aviation alliée et l’artillerie soviétique, au cœur du Führerbunker souterrain, ces luxueuses catacombes de béton où un Adolph Hitler au corps ruiné et au mental hagard confinait ses rêveries malades, s’acheminant, sous l’œil avide de ses derniers disciples, vers son suicide.

Avait-il vu alors son double ? Avait-il été soumis à l’inexorable confrontation ? Ce sont pareille légende folklorique germanique et singulière interrogation qui hantent Doppelgänger, le cinquième roman, rédigé directement en espagnol, du romancier et dramaturge catalan Gerard Guix. Un roman-monstre qui offre à ce maelström historique son journal de bord, à cette apocalypse son livret et sa scénographie. Mais, comme nous l’ont appris ses deux précédents romans, Le Cimetière et Tout ce que tu devrais savoir avant de m’aimer (Aux forges de Vulcain, 2019 et 2022), Guix n’aime rien tant que tendre à l’extrême un jeu déjà complexe. Dont acte avec l’entrée en scène du second protagoniste essentiel : Charles Spencer Chaplin, dit « Charlot », né très exactement quatre jours avant Hitler. Une proximité chronologique troublante qu’accentueraient encore, selon Guix, des éléments psychologiques communs aux deux hommes. L’histoire peut alors commencer.

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